Dating 101
Alors vous voilà, me voici. Réseau Contact et sa contagion subversive. Fini la solitude lattante. Ça c’est ma dernière expérience en ce qui à trait à la rencontre furtive homme/femme. En apparence, tout semble bien et simple, différent, mais sain. Enfin, on s’y fait…
Après maintes turlupinations, angoissage et autres, l’inscription se fit. Réseau Contact, passs79 #2081080, je suis sur la tablette des célibataires masculins de 28 ans.
Je suis chasseur et proie, pêcheur et poisson.
J’envoie des messages, j’en reçois. Et je mords…
Je ne suis pas nécessairement très habileté à me vendre de la sorte, ne sachant pas vraiment à qui j’ai affaire. J’aime les relations humaines, face à face. Ici je ne me sens pas complètement naturel, mais tout ce que je dis est tout de même authentique. Et puis l’écrit est tellement moins révélateur que le parlé. Il laisse trop de place à l’imagination et à la fausse interprétation. Mais bon, je ne ferai pas ici le procès des sites de rencontre puisque j’y suis inscrit!
J’écris des courriels, ça échange, elles me trouvent intéressant. Tout le monde est beau et fin, tout le monde aime le bon vin et les soirées entre amis.
Et puis quoi? Eh oui, je rencontre la chose.
J’ai l’impression de connaître un chapitre complet sur elle, mais c’est tellement technique et mécanique, qu’une fois en face de la candidate, je suis dubitatif, mais quand même bon joueur.
Dans ce cas-ci, c’est pathétique! J’me sens, et ça depuis les cinq premières secondes, inconfortable et responsable d’amener les sujets de conversation. Et d’abord, disons même qu’avant qu’un son ne soit audible, j’aperçu visiblement à distance qu’elle mentait depuis le début. « Proportionnelle à ma taille » précisait sa fiche… Ha! Disons bien honnêtement « quelques livres en trop »!
J’ai ici affaire à une imposante tignasse blonde frisée, aux accents légèrement punk et qui marche comme si… comme si quoi en fait?
Enfin, passons.
Je ne suis pas trop con et je laisse la chance à celle qui oui, tiens précisons-le, celle qui se déplace comme un truck!
Elle ouvre la bouche…
La carrure de son langage fait immédiatement fuir toute féminité qu’elle pouvait dégager. Ça manque vachement de raffinement quoi! Je me suis même imaginé que sa tonalité ne pouvait être familière qu’avec Robert J. Lefèvbre (ou Elvis Gratton pour les non-initiés). Pensez-y!
Vite, j’ai besoin de bière!!
Parle parle, jase jase. J’ai une bonne capacité d’adaptation et un sens de la responsabilité et de la politesse bien organisé. Mais merde, de manière plus qu’évidente, je vois bien c’est trop facilement gagné d’avance pour moi. Mais bon, encore-là, bien que ce ne soit pas du tout stimulant, jouons le jeu.
On est sur une terrasse de la Place Jacques Cartier dans la vieille ville. À Montréal, je déteste particulièrement cet endroit populo-touristique, qui mentionnons-le, n’est pas le résultat de mon choix. Les pichets de bière coûtent 25$ et le service est à chier. C’est bruyant et tout me dérange.
Montréal, je t'aime.
Je dois utiliser tout mon pouvoir de concentration disponible afin de ne pas perdre le fil de mes idées. Émotionnellement, c’est totalement à plat. Je n’ai aucune drive, aucune motivation. C’est très cérébral et tout de même homogène.
Elle n’arrête pas de m’interrompre!
Elle bifurque sans arrêt vers de nouveaux sujets bien avant que je n’aie complété l’idée en cours. Dans une certaine mesure, si ses interventions cavalières n’avaient eu qu’une mince lueur de pertinence, ça aurait pu passer. Mais ici, une fois son spasme guérit, je devais poursuivre là où elle m’avait coupé la minute avant. Et puis qu’est-ce que je disais déjà?
De la bière et un peu plus de bière.
Elle en arrive à m’inviter chez elle pour fumer un joint… aïe aïe! Comment dire non? Ça n’engage à rien fumer un joint! Sinon que dire pour s’en sauver? Elle sait déjà très bien que je ne travaille pas demain et je sais, moi, qu’elle travaille demain!
Excès de politesse…
Alors on y arrive.
J’entre.
Chouette appartement, géant mur de brique, un peu le bordel, mais bon.
Je visite. Trois aquariums, un iguane et un énorme matou. C’est ben pour dire, y a d’la vie ici! Mais parfois, un peu trop de vie dans un manque d’espace, c’est parfumé!
Elle s’assoie sur son lit. Heu… d’accord je m’assoie.
On parle un peu. Puis… on passe au salon.
On fume le joint.
On jase, on jase, on jase… on jase!
Et puis une fois de temps en temps, en fumant, le cut lui reste collé sur la lèvre… pis une autre fois… pis une autre fois… pis une autre fois… pis…!
Elle parle, elle parle, elle parle… et c’est d’une incohérence…! Merde! Moi aussi je suis affecté, mais tout de même cohérent. À ce moment, je commence à ne plus être avec elle.
La voisine me ramène soudainement dans la réalité de la situation. Elle décoche une intense rafale de violents coups dans le mur, sans doute en raison de la très trop forte musique trash qui meublait l’ambiance de l’odorant endroit.
Après avoir cru comprendre que son ancien copain était un gorille des Foufounes Électriques, je me rends compte qu’elle me parle et que je n’écoute plus du tout et même que je suis en grande conversation intérieure; est-ce que ça serait plus pénible de continuer à l’écouter ou de coucher avec elle… je suis C-R-A-M-P-É de rire dans sa face, mais je crois que c’est pertinent avec ce qu’elle raconte puisqu’elle n’en tient pas compte. Je me demande vraiment c’que j’fous ici et comment ça se fait que je ne suis pas déjà chez moi.
Dans un élan de courage mémorable et de témérité douteuse, je lui lance aveuglément que « bon ben, j’pense que j’va y aller »… salut, on s’rappelle, ouais ouais, l'amour repassera...